Rencontres Nationales Arviva #3
Des archives de René Dumont aux dérives idéologiques, le Musée du vivant veut montrer l’écologie dans toutes ses dimensions
LE MONDE | 02.03.09 | 15h33
Que faire quand on dispose de collections passionnantes, d’un concept en vogue et d’un conservateur en chef ? Un musée, évidemment. Pour Laurent Gervereau, depuis 2004 à la tête de la direction du patrimoine et de la documentation d’AgroParisTech, la grande école française d’agronomie, la réponse n’a pas fait le moindre doute. Encore moins quand, après enquête, il a découvert qu’il n’existait au monde aucun équivalent à ce Musée du vivant qui se veut « le premier musée international sur l’écologie et le développement durable ».
Si la première apparition du mot ökologie, sous la plume du biologiste allemand Ernst Haeckel, disciple de Darwin, remonte à 1866, celle de l’expression « développement durable » date de 1987. On en doit la définition à Gro Harlem Brundtland, ministre norvégienne de l’environnement dans les années 1970, puis directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au début des années 2000.
HISTOIRE INCONNUE
Un des mérites de ce jeune musée, qui se visite uniquement sur rendez-vous, est de fixer des repères, de débroussailler le terrain, et ce en montrant des oeuvres et des documents qui appartiennent à toutes les dimensions de l’écologie : scientifique forcément, politique bien sûr, mais aussi économique, pratique et culturelle, l’environnement ayant inspiré un grand nombre d’artistes. Entreposées plus qu’exposées au château de Grignon, dans les Yvelines, propriété de l’école, les collections brassent toutes ces dimensions.
« L’écologie a une vraie histoire, et cette histoire n’est pas du tout connue », relève Laurent Gervereau. Qui se souvient, par exemple, de la Britannique Barbara Ward et du Français René Dubos (inventeur du concept « penser global, agir local »), co-auteurs, en 1972, d’un rapport intitulé Only one Earth (« une seule Terre ») présenté à l’occasion du Sommet de la terre de Stockholm ? Qui connaît la biologiste américaine Rachel Carson qui, dans son livre Silent Spring (« printemps silencieux »), paru en 1962, fut la première à évoquer la pollution massive provoquée par les pesticides ?
Riche au plan scientifique grâce à la vocation même de l’école d’agronomie dont il dépend (première maquette de moissonneuse-batteuse américaine, herbiers, boîtes entomologiques d’insectes, etc.), le musée retient surtout l’intérêt pour ses collections à dimension politique. De la collection intégrale de La Gueule ouverte, « le journal qui annonce la fin du monde », né en 1972, aux archives de René Dumont, pionnier de l’écologie politique en France, mais aussi étudiant puis professeur pendant plus de quarante ans à l’Institut national d’agronomie (ancêtre d’AgroParis Tech), en passant par une masse d’affiches militantes, la somme rassemblée est considérable.
Sans esprit « de propagande ni partisan », insiste Laurent Gervereau, qui rejette l’idée d’un musée qui serait le reflet de « la construction triomphale d’une idée ». De l’écologie radicale aux mouvements aryens vantant la proximité à la nature, les excès suscités par l’idéologie du retour à la terre sont d’ailleurs aussi évoqués.
Forcément non exhaustif, le Musée du vivant se veut une mine pour la recherche. Avis en particulier à tous les chercheurs, dont l’intérêt envers René Dumont ne s’est pas encore manifesté, si l’on en croit M. le Conservateur : « Cherchez une thèse de référence sur René Dumont, il n’y en a pas ! », nous assure-t-il.
Brigitte Perucca
Sur le Web : www.agroparistech.fr/Musee-du-vivant.html