Épisode podcast « L’art se met-il au vert ? » par France Culture
L’art se met au vert… Et les artistes ? Peuvent-ils par la création contribuer à la prise de conscience de…
Constat de départ / Un goût de menthe amère
C’est l’histoire d’une pub pour du dentifrice qui doit se faire en plein mois d’hiver 2007 à New York. Le client veut de la menthe bien fraîche pour vanter son produit.
Eva Radke est la chef déco et c’est à elle que revient la magie de trouver hors saison le plant de menthe qui fera bien devant la caméra. Bien entendu la menthe va devoir être envoyée d’un endroit où il fait encore beau. Un avion, des camions réfrigérés seront nécessaires pour acheminer le précieux accessoire sur le lieu du tournage. Le jour J : le client impose finalement la menthe en plastique car à lecran ‘elle fait plus vraie’. Le cœur d’Eva se brise un peu en deux : d’un côté son bon sens bafoué d’une professionnelle consciencieuse, de l’autre la conviction de devoir changer la donne pour faire évoluer le secteur durablement.
C’est la petite goutte amère nécessaire qui propulse Eva vers sa mission pour réconcilier l’audiovisuel et le développement durable.
Naturellement Eva commence par ce qu’elle connaît le mieux : le département déco. Tant d’objets et d’accessoires sont achetés, trouvés, utilisés pour fournir les décors des tournages que ce soit pour la télé ou le cinéma, la règle est la même : disponible sur le champ et d’une durée de vie allant de quelques jours à une seconde pour finir (presque) toujours à la poubelle.
Et pourtant les décorateurs entre eux se passent le mot: où trouver quoi au meilleur prix et dans les meilleurs conditions : financières, géographiques, matérielles. Souvent d’ailleurs sans qu’il n’y ait aucune obligation que ce soit du neuf.
C’est à partir de son propre réseau qu’Eva commence Art Cube. Le principe est simple : New-York regorge de bons plans et comme souvent les pros ont les bons tuyaux. La solution est simple : un groupe de professionnels en ligne qui s’entraident via un groupe Google. On poste sa recherche on attend qu’un autre pro y réponde et ainsi de suite.
Rapidement la plateforme en ligne prend de l’essor : elle passe de 500 adhérents à 1850 et se multiplie dans 8 villes à travers les États-Unis. Les professionnels se cooptent et permettent aux uns et aux autres de se connecter sans besoin d’une grande modération de la part d’Eva.
Naissance d’une solution / Une plateforme en ligne et un entrepôt à Brooklyn
Parallèlement, Eva tente par tous les moyens de valoriser les accessoires déco en temps mais réalise très vite qu’un espace physique de stockage est nécessaire. La solution devient : Film Biz Recycling tout d’abord un espace restreint puis un entrepôt grandissant depuis 5 ans.
Concrètement chaque jour un tournage de plus ou moins grande importance a lieu à New York. Chaque fois qu’un chef déco le peut il organise la livraison des accessoires, costumes et autres mobiliers vers l’entrepôt de Film Biz Recycling.
Lequipe se charge de les trier, de les mettre en état si nécessaire et les proposer à la vente ou à la location. L’entrepôt regorge de trésors et permet à une équipe de 10 permanents et de 6 mi-temps de travailler à la valorisation.
Un autre aspect intéressant de Film Biz Recycling c’est aussi leur ancrage local. La structure est connectée à un vaste réseau associatif comme Material For the Arts qui fournit du matériel aux créatifs depuis plus de 35 ans. FBR permet ainsi à son réseau de bénéficier de matériel auquel ils n’ont pas accès car ils sont éloignés du secteur audiovisuel.
Lors de l’ouragan Sandy en 2012 Film Biz Recycling a mobilisé son équipe et ses ressources matérielles pour fournir les besoins de premières urgences en faisant des dons de vêtements, de linges … pour ceux qui en avait besoin ou via des structures caritatives présentes auprès de populations les plus touchées.
L’année dernière Film Biz Recyling a lancé son ‘Golden dumpster award’ ou le prix de la benne en or pour récompenser les efforts de ses partenaires dans la valorisation, voici une vidéo qui illustre bien leur intention.
Impact / Du développement durable dans l’industrie du film
Le modèle de Film Biz Recycling est relativement similaire à toutes les innovations sociales dont vous entendez parler: c’est un modèle hybride qui s’appuie à la fois sur des revenus propres issus des ventes du matériel (les accessoires sont vendus au grand public et proviennent exclusivement des productions audiovisuelles de NY) ou de la location vers les pros.
Les autres sources de revenus viennent des dons et des sponsors qui voient dans ce nouvel acteur une réelle perspective de développement.
Typiquement à l’heure où nous avons réalisé l’entretien – en septembre 2013 – Eva venait de recevoir un gros chèque de soutien de la chaîne HBO qui a compris l’intérêt de s’associer au développement de ce partenaire.
D’autres grandes chaînes suivront car aujourd’hui les bonnes pratiques du secteur se structurent. J’en veux pour exemple la naissance d’un nouveau poste sur le lieu de tournage : l’eco-manager.
Le rôle de l’eco-manager est de suivre le tournage dans la durée et d’apporter à chaque étape une solution alternative pour baisser la consommation denergie, optimiser l’usage des consommables ou gérer le cycle de vie des déchets produits.
Ce nouveau métier est intrinsèquement lié à la mise en place de solutions alternatives de valorisation comme Film Biz Recycling et incite efficacement les grands acteurs du secteur à faire face aux déchets de façon positive, pro-active et durable.
Le cinéma: son glamour, ses paillettes et ses bonnes pratiques. Et comme chaque bonne histoire il suffit d’une bonne héroïne pour que les autres suivent ! Comme quoi le développement durable ce n’est pas qu’une histoire de plantes vertes !
Par Jeanne Granger, Décembre 2013
Pour aller plus loin :
Le site web de FBR : www.filmbizrecycling.org
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Quelque articles sur FBR en anglais : www.examiner.com
Présentation de la conférence du Mouvement des producteurs responsables : www.youtube.com
Ceux qui se penchent sur la question en France : www.ecoprod.com ; www.miaa.fr
Retrouvez cet article en anglais sur www.obliqueecology.com
L’art se met au vert… Et les artistes ? Peuvent-ils par la création contribuer à la prise de conscience de…
Lauranne Germond, co-fondatrice et directrice de COAL, dans La revue des politiques culturelles